[Chronique] Vous n'aurez pas ma haine
Vous n'aurez pas ma haine
Auteur: Antoine Leiris
Editions: Fayard (documents)
Nombre de pages: 189
Antoine Leiris a perdu sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre dernier assassinée au Bataclan. Alors que le pays était endeuillé, à la recherche de mots pour dire l'horreur, il publiait sur les réseaux sociaux une lettre destinée aux terroristes intitulée Vous n'aurez pas ma haine. Dans celle-ci, il promettait à ces « âmes mortes » de ne pas leur accorder sa haine ni celle de leur fils de dix-sept mois, Melvil. Son message fait le tour du monde. Accablé par la perte, Antoine Leiris, journaliste de 34 ans, n'a qu'une arme : sa plume. L'horreur, le manque et le deuil ont bouleversé sa vie. Mais, à l'image de la lueur d'espoir et de douceur que fut sa lettre, il nous dit que malgré tout, la vie doit continuer. C'est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu'il nous offre dans ce témoignage poignant.
Il s'agit certainement de la chronique la plus difficile qu'il m'ait été donné d'écrire. Tout simplement parce qu'on ne peut pas chroniquer cet ouvrage. On le lit pour le devoir de mémoire et pour soutenir ce père de famille élevant seul son fils. Il s'agit là d'une ode à l'amour, d'un message d'espoir et surtout d'un message pour la population toute entière.
Antoine Leiris dégage une plume délicate teintée parfois d'humour, à sa façon comme il a pu le faire "dans ces moments-là". Une biographie de ces quelques jours précédents la mort d'Hélène, dépeinte comme la femme des Yeux d'Elsa d'Aragon ou de la Cassandre de Ronsard.
Le petit Melvil représente l'innoncence de cette barbarie. Son quotidien reste programmé à son habitude sauf qu'il lui manque un être essentiel pour que sa routine soit complète.
L'auteur lui même avoue qu'il n'est pas le héros de son histoire. Il ne demeure qu'un homme qui tente de survivre dans ce monde qu'il ne verra plus jamais du même oeil. Il nous raconte sa rencontre avec sa femme, leurs peurs, leur bonheur avec humilité.
On y retrouve sa fameuse lettre "vous n'aurez pas ma haine" publiée sur Facebook le lendemain du drame. Lettre qui, a mon sens, doit être lue encore et encore.
Un livre à lire pour la beauté des mots et de la vie.
"La fatalité a frappé, c'est tout. Elle ne m'a pas demandé mon avis. Elle n'a pas cherché à savoir si j'étais prêt pour ça. Elle est venue chercher Hélène, et m'a obligé à me réveiller sans elle."